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2016/02/20

L'âge du capitaine

Ça dépend de ... l'âge du capitaine...



On me pose une question: j'y réponds...


Alignement idéal! Voir le médecin pour passer assez rapidement sous Tivicay ® + Lamivudine (Gé). Laisser passer 6-12 mois. Puis Tivicay ® en monothérapie. Laisser passer 12 mois. Puis entrer dans le cycle court: 6/7 (6 mois), 5/7 (12 mois) ; 4/7 (à vie ou HypoDolu), avec CV rapprochées, au début.

Ça dépend de quoi, au fait ?


Le Dr Weinberg a écrit, et justifié: l'efficacité du DTG (Tivicay®) ne dépend pas de la dose.
Le Dr Sherene S Min a tout aussi argumenté: l'efficacité du DTG (Tivicay®) dépend de la dose. (Dose-dependant, en anglais).

En français, dose-dependant, se traduit mal. On traduit souvent proportionnel à... Qui dit proportionnel dit proportions: évitons donc... Dépendant de la dose, c'est le Graal du Pharmacien. Orthodoxie millénaire, depuis que l'on sait qu'un chouia d'opium ça ne fait rien, un peu, ça fait dormir, et trop, bonjour les dégâts! La dépendance à la dose est le passage obligé du développement. C'est formalisé: essai de phase II: escalade de la dose.

Lors de l'essai ING 111521 on constate que le nombre de patients qui passent la balise prometteuse des 400 copies (une fois là, on arrive à bon port) sont 5/9 (56%) à 2 mg, 5/9 (56%) à 10 mg, et, 9/10 (90%) à 50 mg, en moins de 11 jours. Weinberg a raison: on arrive à l'entrée du port quelle que soit la dose.

Seulement, on y arrive plus vite avec 50 mg. L'étude est payée par ViiV... En plus, il est dans l'usage (à cause des anciens ARVs) de substituer la vitesse de l'effet à l'effet lui-même. Si vous aviez une tumeur, vous seriez encouragée à la voir se réduire vite, surtout quand il y course contre la montre (la résistance...). Avec Dolutégravir, pas de résistance, donc on s'en fout, mais on ne peut pas empêcher les gens de gagner leur croute à faire comme on leur a demandé. C'est une étude obligée, pas de la recherche.
Donc admettons, un instant, que la réponse est 'à proportion' de la dose...

Soit... Mais c'est aussi à proportion de la CV initiale.

Paddle EACS 2015 Lamivudine Dolutegravir dose dependant FDA cure Katlama
Comment le sait-on ? En est-on vraiment sûr?

Il n'est pas besoin, pour ce qui suit, d'établir de façon irréfutable que tel est le cas: il nous suffit d'en avoir l'intuition raisonnable.

Dans Paddle, quasi monothérapie de Tivicay®, les résultats sont sur le tableau ici. On classe les mêmes données dans l'ordre des CV initiales, ce qui donne un nouveau tableau et pour ceux qui n'avaient pas vu la dépendance à la CV initiale, on décore le tableau de lignes inclinées, et là, ça saute aux yeux.

Paddle EACS 2015 Dolutegravir dose dependant FDA trend vitesse charge virale
On peut visualiser: c'est convaincant! Plus la CV est basse plus vite l'indétectabilité est obtenue. C'est sans équivoque et confirme ce qui était dans l'essai de monothérapie d'attaque l'essai ING 111521.
En ce sens, elle est conforme à l'équation de HILL, où l'efficacité sature quand tous les sites 'cibles' sont inhibés et où ajouter de l'inhibiteur n'apporte plus rien.
Dès lors, il est plus que légitime de se poser sérieusement la question de dose pour la maintenance sous monothérapie de Tivicay®.

Cette intuition raisonnable va nous permettre de comprendre en quoi la formulation est surdosée, et comment tourner ce surdosage à notre avantage.

Pour l'instant retenons que :
L'efficacité (ici, au sens de la vitesse de descente) est :
- dépendant de la dose (à proportion, si l'on veut)
- dépendant des conditions initiales (CV ...)


Où l'on a Eff = F(dose, CV, ...) soit: Eff. est une fonction:
- croissante de la dose
- décroissante de la CV initiale
Et pourquoi pas...
- de l'âge du capitaine ... ;-)

Retenons que l'efficacité de Dolutégravir n'est pas QUE fonction de la dose; elle est à hauteur du problème posé: l'adaptation de posologie est possible!
Nous utiliserons ceci dans un billet à venir et qui explore le Buzz Genvoya®

Buzz Genvoya ®


Ça fait le Buzz ! Genvoya® (ou son prédécesseur Stribild ®) pourrait compromettre les chances de réussir la monothérapie de Tivicay®, qui est la porte d'entrée à Hypodolu. La suite bientôt...

Bon Week-end et bonne bourre...

2016/02/13

Les héros de CRISPR


Héros de CRISPR... Fables diaboliques


CRISPR-cas9 est une nouvelle méthode d'édition de l'ADN; elle ouvre des perspectives techniques et industrielles inédites: lire cet article du Monde. C'est le sujet à la mode. Et, déjà, l'objet de controverse.
Qui peut breveter ? Qui peut prétendre au prix Nobel?

Toute ressemblance avec la question débattue de Qui a découvert le virus ? Qui peut breveter le test correspondant ? Les 'Nobels' écrasent les non-Nobel de leur notoriété ? Toute ressemblance... N'est pas fortuite. L'histoire se répète ...

On se rappelle que Paris (J. Chirac...) avait osé tenir tête à Washington et obtenir un deal.
Les temps où Paris était audible sont révolus...

La guéguerre explose dans l'espace public par une apologie historique publiée dans CELL par le Pr. Eric Lander, excellent pédagogue et grand inspirateur de projets, boss du BROAD institute, gros machin plein de fric, à Harvard. La version gratuite, complète, est disponible dans mon dossier bibliographique complet, que l'on peut télécharger ici. Dans "généralités".

La controverse: pour simplifier, CRISPR est génial car:
- c'est l'applicable à l'homme, donc Zhang (Harvard) mérite Prix Nobel et brevets
- c'est applicable à tout, donc Doudna et Charpentier méritent Nobel et brevets


Hier, recherche de base Européenne. Aujourd'hui, guerre de brevets entre Berkeley et Harvard.
La tentation est grande d'écrire l'histoire, à sa façon, et de réduire au silence les précurseurs.
Cela nous rappelle comment pour arriver à un consensus sur le Nobel (VIH), il aura fallu en écarter quelques-uns. Leibowitch a laissé des témoignages intéressants sur cette époque. Le Nobel récompense au plus 3 chercheurs. Et, ce n'est pas la découverte elle-même qui est honorée.
Au XXIe, c'est un peu dommage...

Berkeley réplique: avec ce billet de Michael Eisen, voir aussi ce billet de N. Comfort.
Il est vrai que la manoeuvre de Lander a déterré la hache de guerre.


Etudes tronquées et spin-doctors diaboliques


Ce qui nous importe ici, c'est l'extraordinaire capacité des Spin-docteurs, auréolés de titres ronflants, à accommoder à la sauce qui les arrange. Voire d'amputer l'information à dessein.

Chez nous, ce sont les essais SMART et START, qui nous sont ressassés à toutes les sauces. Des critiques ont osé faire remarquer que la surmortalité n'avait pas eu lieu en Europe. On les réduit au silence ou marginalise.
Dans SMART, la surmortalité est concentrée aux USA (principalement cardiovasculaire, 92% des décès sont Américains pour 50% de participants !). Dans START elle n'apparait que dans les Townships d’Afrique du Sud, au système de soins défaillant: tuberculoses, suicides, homicides ! Risques inconcevables chez nous....
La géographie a un rôle plus déterminant que la stratégie de traitement. Mais chut!
On transpose, chez nous, sans vergogne, des risques qui n'existent qu'ailleurs. Diabolique...

Ceux qui ont les moyens de mener ces combats médiatiques les gagnent.

Pourtant, nos vies valent mieux que leurs profits. Nos patients méritent mieux ...



2016/02/07

mesurer son réservoir



Mesurer son réservoir : #1 ADN-VIH total


Le projet de Backonstage


Back, tu me lis depuis longtemps. Si j'ai pu t'être utile, tu m'en vois ravi. Je souhaite que ton projet réussisse autant que le mien.

Comment mesurer le réservoir ?


De Christine Rouzioux, on lit ici (revue de la Société Française de Virologie):



La méthode de référence, elle, consiste grosso modo, à infecter une poche de sang et voir ce qui se passe (Viral Outgrowth Essay). De fait, la seule méthode qui mette tout le monde d'accord c'est de faire l'interruption sous suivi fréquent et voir à quel moment ça rebondit, in vivo.
Le top = on mesure le temps au rebond.

J'envisage les 2: mesure de l'ADN-VIH total ET mesure du temps au rebond. Je discute ici de l'ADN-VIH total, maintenant disponible en labo de ville. Bon... On essuie les plâtres.

Rouzioux reservoir ADN total VIH Siliciano Hypodolu Salpetriere PCR Viral Outgrowth Essay
Déjà, il faut vérifier que votre labo le fait. Le cbcv le fait: ils sous-traitent à la Salpêtrière.
A nouveau, c'est très récent, donc il convient d'aller là où on peut le faire.

1 Ce n'est pas codifié donc pas remboursé : C'est ainsi ... Résultats: sous 3-4 semaines

2 cela coûte seulement 70 Euros (de votre poche):
Effectivement, y compris quand on considère l'allègement, cela n'a aucune d'utilité pratique. L'idée que l'allègement se fasse sous condition de réservoir est fausse, rien ne la justifie, et Leibowitch a même fait la preuve du contraire. A quelle décision clinique la mesure l'ADN-VIH total peut-elle conduire ? En pratique aucune! Inutilisable, donc, pas remboursé par l'assurance maladie (et c'est tant mieux et ça nous arrange!)

3 on peut avoir son résultat sans passer par la case médecin
Les analyses génétiques sont remises en main propres par le médecin. C'est la loi... Il s'agit ici d'un comptage, pas d'une analyse de l'ADN: on compte en aveugle... Si on refuse de vous donner le résultat, demandez au biologiste de service qui comprendra et vous donnera vos résultats. Sinon tant pis, attendre la prochaine visite au toubib.

4 comme ce n'est pas remboursé, votre médecin pourra difficilement vous refuser l'ordonnance.
Effectivement, c'est inutile... Donc on ne vous le rembourse pas! Mais comme c'est vous qui payez et que c'est un flacon de plus lors de votre prise de sang, donc, sans danger, sur quelle base votre médecin pourrait-elle vous refuser l'ordonnance? ... Bingo!

Voilà, vous savez maintenant faire... Faites-le... Se rendre compte par sa propre expérience que c'est possible, simple et inutile est une bonne façon de remettre l'hystérie du réservoir en perspective.

On s'amuse avec les jouets que l'on a...

Note du 30/04/2016: j'ai ajouté la méthode par interruption analytique.

Bon Week-end et Bonne Bourre!